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le blog de Françoise Valla

12 avril 2012

L'information ne mène pas au coopératif

J'ai cru dur comme fer que réunir les personnes pour faire de la veille et de l'analyse collaborative suffirait à modifier les méthodes de travail, qu'elles se rendraient compte de la force de l'intelligence collective et du bienfait qu'elles pourraient en tirer pour effectuer leurs missions avec plus d'efficience. Ne riez pas je suis foncièrement optimiste et puis je ne suis pas la seule à croire qu'un dispositif d'intelligence stratégique peut modifier le fonctionnement d'une entreprise, il y a plein de naïfs comme moi.

C'est normal car les choses sont trompeuses, au début qu'elles soient juste fortement incitées ou réellement convaincues les personnes font des efforts, elles participent sincèrement ou font semblant ou se concentrent sur leur smartphone pour que chacun comprenne bien qu'on ne la leur fait pas et qu'elles sont entrées dans un acte de résistance digne de Lucie Aubrac. Bref, l'animateur de la fonction Intelligence stratégique est si convaincu et si dynamique qu'il porte la démarche, évangélisant les indécis, convainquant les réticents, rassurant les angoissés, accompagnant les stressés, las ! ça fonctionne au départ puis seuls ceux qui sont à l'aise avec leurs sujets et leur place au sein de la direction persistent et progressent, les autres se lassent, sèchent les réunions, délaissent leur plan de surveillance revenant à la lecture des 50 newsletter auxquelles ils s'étaient abonnés il y a longtemps, d'autres partent, remplacés par des personnes imprégnées de la veille 0.0 et tout est à recommencer !

Non l'intelligence stratégique seule ne mène pas à l'entreprise 2.0, tant que l'on évaluera les personnes sur leur contribution personnelle et souvent de façon peu objective, tant que le système des organisations mettra les gens en compétition, tant que les esprits devront s'adapter aux process et aux limites de certains managers persuadés que le seul moyen d'être bien reconnu en tant que chef est de donner des avis et des ordres sur tout sans connaître parfaitement le contexte, l'E 2.0 n'existera pas et l'intelligence stratégique (ou simple fonction de veille) sera cantonnée à une fonction accessoire dont on se débarrasse aux premières coupes-claires. Dans "The knowing-doing gap" J. Pfeffer et R. Sutton précisent qu'on juge les personnes sur leur apparente intelligence et qu'on semble intelligent quand on critique les idées des autres et qu'on est particulièrement habile à convaincre les autres que le statu quo est la meilleure des solutions. Dans ce cadre, c'est la parole (la "tchatche" plutôt) qui fait office de blanc-seing. Or, il est temps que les leaders (leaders et non chefs, leaders et non managers) comprennent que ce qui est désormais attendu d'eux n'est plus d'avoir réponse à tout eux-même mais qu'ils doivent désormais se montrer capables d'organiser l'environnement propice à l'efficience. Pour cela, les talents requis sont de savoir rassembler les compétences utiles à l'instant T et de leur fournir le meilleur cadre possible de connaissances, de confiance (devrais-je dire de bienveillance) et d'équité pour que chacun puisse apporter sa pierre à l'édifice. Comme dit Jean-François Zobrist, de la fonderie FAVI, "le chef c'est celui qui a le ballon".

L'information sera alors considérée comme matière essentielle à chaque échelon de l'entreprise, et à ce titre sera naturellement traitée comme telle, quand le management sera fondé sur la responsabilisation et l'engagement de chaque salarié et quand le coopératif sera vu comme la seule réponse à la complexité et à l'incertitude ambiantes et que les succès seront récompensés collectivement et équitablement (ce qui ne dispense en aucun cas la récompense personnelle à condition qu'elle soit objective), de quoi s'épuiser encore pendant quelques temps...

 

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18 mars 2012

"Nous pourrions valoriser la veille"

Voici ce que m'a dit récemment une collègue en réunion d'équipe. Nous faisons de comités de veille pour sélectionner et commenter collégialement les informations notables du mois et au cours d'une de ces réunions, une des informations apportées par un participant a amené ma collègue à creuser notre participation à un organisme de normalisation que nous avions jusqu'alors ignoré. Tout ceci ayant mené à notre inscription à cet organisme, avec la meilleure intention du monde (enfin je crois), elle précise que tout ceci a pu se produire "grâce à la veille mais je ne sais pas comment nous pourrions le valoriser".

Je dois vous confier que j'ai un esprit critique mais à longue détente ! J'étais tellement prise au dépourvu que je n'ai pas réagi immédiatement et que ma responsable (avec la meilleure intention du monde là j'en suis sûre) a aussitôt embrayé  "mais oui nous pourrions en faire une communication ou un article dans Veille magazine", j'ai bredouillé que ça me semblait un peu juste pour constituer un article et nous sommes passé à d'autres sujets...Bien sûr, j'aurai dû rétorquer qu'il n'y avait pas lieu de valoriser un résultat aussi naturel mais plutôt s'inquiéter qu'on ne sache pas mieux utiliser les informations, plus souvent et avec plus d'acuité. Mais lasse de tenter de faire évoluer ces personnes, au demeurant remplies de qualité, vers l'entreprise apprenante, que Nonaka et Senge me pardonnent, je me suis tue un peu désemparée et sans doute vexée.

Oui nous en sommes là, la veille est tellement dissociée de ce qui constitue l'essentiel du travail de responsables marketing comme ceux qui m'entourent, qu'ils ne réalisent pas qu'eux-même passent leur temps à suivre et traiter l'information, que les veilleurs plutôt les knowledge workers ce sont eux et que la fonction d'intelligence stratégique vers laquelle toute entité un peu clairvoyante et pragmatique se dirige consiste maintenant à orchestrer toute cette intelligence collective.  Travail titanesque si l'on considère que le principal obstacle à la pleine réalisation du coopératif, c'est la nature même de l'organisation !

12 mars 2012

Supprimons tous les veilleurs...

L'image archaïque du veilleur-documentaliste, petite tête chercheuse de l'information, dépositaire de toutes les actus chaudes de l'ensemble des sujets doit disparaître pour de bon ! Aujourd'hui, il n'est plus concevable de dissocier information et flux de travail, Internet a rendu caduc la personne-ressource, souris grise de l'information, chargée de livrer l'information conforme aux attentes du demandeur en contenu et en forme (la pépite devant s'intégrer avec un minimum de transformation dans le powerpoint du demandeur) sans jamais avoir de brief clair et précis de la demande et de son contexte et encore moins de retour sur son utilisation (il faut dire que bien souvent, le demandeur en question n'aura pas su l'exploiter si tant est qu'elle ait correspondu à ces attentes). Chacun doit être maître de sa stratégie de veille - oui on peut bâtir une stratégie pleine de bon sens en la matière - et doit prendre en charge son flux d'information. Proposition inaudible pour des personnes qui acceptent d'analyser l'information, tâche noble, mais ne veulent en aucun cas la collecter, tâche ingrate. Il arrive très souvent que l'analyse en question soit seulement la paraphrase d'une information qu'on n'a de toute façon pas pris la peine de vérifier, recouper et qu'on ne sait pas à quoi relier. Quant à débusquer des signaux faibles....

8 mars 2012

Doit-on apprendre aux dirigeants à traiter l'information ?

Selon Pascal Junghans auteur d'une thèse soutenue récemment sur l'appropriation de l'information par les managers, les grandes écoles (aux dires des dirigeants interrogés) préparent de façon inégale (et pas complètement) au traitement de l'information. En revanche leur passage par les classes prépas leur apporte des méthodes utiles pour s'approprier l'information et être capable de les restituer. A quand une vraie réflexion autour de l'information et de l'intelligence stratégique pour nos dirigeants ne voient plus cette fonction incarnée dans une personne-ressource fournissant de l'information sans recul et sans feed-back ?

24 février 2012

As one

Les réflexions actuelles sur la "démocratisation" de l'entreprise, l'aplatissement de sa ligne hiérarchique jouent souvent sur l'idée, fort séduisante, de l'entreprise en quelque sorte auto-gérée. La productivité attendue serait soutenue par le bonheur sans nuage de salariés impliqués, heureux, motivés et plein d'initiatives. Des salariés pour lesquels le travail coopératif serait devenu un mode de travail, mieux une philosophie. S'il est légitime et sain de prétendre que l'entreprise, comme beaucoup d'autres choses dans notre société, doit se repenser, il est aussi nécessaire d'insister sur les difficultés et les réticences de l'être humain à bazarder ce qu'il a toujours connu. Le coopératif en entreprise est une nécessité parce qu'il est le moteur de la relation humaine (voir à ce sujet "donner et prendre" de Norbert Alter), il est aussi difficile à mettre en oeuvre car notre société produit des individualistes bien installés dans leur confort et persuadés d'être capables de vivre en autarcie (l'idée de solidarité est tout de même un concept de pauvres non ?). En France, il y a aussi un rapport ambigu avec le monde du travail à la fois facteur de socialisation, d'épanouissement, de réalisation personnelle et l'entreprise machine à broyer l'individu.

Dans un ouvrage passionnant et persuasif, 2 partners de Deloitte passent au crible ce qu'ils nomment le leadership collectif qui permet d'oeuvrer non pas ensemble mais comme une seule et même personne. A partir de nombreux exemples pris non seulement en entreprise mais aussi en politique, en sport, dans la culture et même dans certains mouvements religieux, ils ont établi 8 archétypes de leadership (ou d'organisation) : 3 archétypes qui relèvent du modèle "command & control", 5 apparentés à un modèle plus coopératif. Dans chacun de ces modèles, il y a un leader qui insuffle, dirige, décide ou incite à décider. Même le modèle "senator & citizens" illustrés notamment par la firme de Bill Gore fonctionne avec un chef, celui-ci se positionnant certes en catalyseur, animateur mais tout de même garant de ce mode de fonctionnement si particulier qui sans doute ne convient pas à tous les collaborateurs. Car penser que tout le monde veut la liberté et le pouvoir est illusoire, ce type d'organisation sélectionne avec tout autant de force ceux qui n'entrent pas dans le moule. L'intelligence du livre de M. Baghai et J. Quigley est de conclure que le modèle d'organisation dépend fortement de l'objectif poursuivi et qu'au sein d'une même entreprise peuvent / doivent se superposer plusieurs modèles selon l'activité développée. Reste à former les dirigeants et les collaborateurs à ce nouveau mode de management.

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